Evangile du jeudi 23 novembre 2023 (Lc 19, 41-44)

 

En ce temps-là,
lorsque Jésus fut près de Jérusalem,
voyant la ville, il pleura sur elle, en disant :
« Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour
ce qui donne la paix !
Mais maintenant cela est resté caché à tes yeux.
Oui, viendront pour toi des jours
où tes ennemis construiront des ouvrages de siège contre toi,
t’encercleront et te presseront de tous côtés ;
ils t’anéantiront,
toi et tes enfants qui sont chez toi,
et ils ne laisseront pas chez toi pierre sur pierre,
parce que tu n’as pas reconnu
le moment où Dieu te visitait. »

 

Méditation : « La guerre sainte »

 

Pendant cette semaine, la liturgie nous donne à lire comme première lecture divers passages des deux livres des Martyrs d’Israël. Ces livres ont longtemps été appelés les livres des Maccabées, du nom de Judas Maccabée, héros national, adversaire victorieux de l’occupant grec, principal protagoniste des événements relatés. Le terme populaire de « macchabée » pour désigner un cadavre vient sans doute de l’abondance de morts figurant dans ces deux livres. C’est peut-être cette déviation macabre qui a poussé récemment les biblistes et les liturges à donner un nouveau nom à ces deux textes qui ne figurent pas, il faut le signaler, dans le corpus juif.

En les lisant, j’éprouve toujours un grand malaise : le martyr consenti, voire recherché, glorifié, anime ces pages et ouvre la voie à la résistance armée, elle aussi glorifiée, que les livres appellent eux-mêmes « la guerre sainte ». Une telle conception de la mort et de la vie en société me semble conduire tout droit à des excès dont nous ne voyons que trop, sous nos yeux, les conséquences funestes et injustifiables.

Le passage de Luc où Jésus pleure sur Jérusalem, donne un élément de réponse à mes questions : nous ne pouvons jamais, collectivement, tirer gloire de notre foi commune car nous sommes toujours tentés de passer à côté de ce Dieu qui habite parmi les siens et vient les visiter sous l’habit du pauvre, du petit, de l’étranger, du différent. Cette indifférence aux autres en tant qu’autres – qui peut tourner à la haine, au suicide ou au meurtre – conduit inexorablement à l’implosion de ce groupe social qui se réclame de Dieu.

En ces temps où les intransigeances identitaires s’exaspèrent, il est bon de nous rappeler que nous sommes nous-mêmes parfois tentés par de telles pensées, que nous sommes bien les contemporains des fanatiques qui sévissent ici-bas et que la seule attitude « nationale » ou communautaire qui vaille, consiste à nous laisser enseigner par Jésus pleurant sur Jérusalem, une ville sainte qui n’a pas reconnu le Saint.

 

Jean-Pierre Rosa, paroissien de Saint-Eustache